Histoire 2

Extrait de Bulletin de la société archéologique, scientifique et..." . Edtion 1891 (Tome 30)

      MILLANÇAY : Canton de Romorantin

  Ancienne ville, aujourd'hui bien déchue et devenue un simple village, que ne ravive pas, comme pour d'autres, la proximité d'une voie ferrée. Tout proche est la forêt de Bruadan, veuve des futaies qui en faisaient la gloire au début du siècle, mais fameuse par son gros gibier, qui y attire de brillants équipages de chasse, non sans donner de temps à autre, à Millançay, une éphémère animation.
  Nous ne connaissons qu'une mention de ce lieu antérieurement au XIV° sièele; c'est dans une charte de 1220 concernant la Maison du Temple de Villeloup,
appelée aussi de Millançay, qui existait à 3 kilom. à l'ouest du.bourg actuel; on la désignait sous le nom de Domus de Millenciaco.
   Il y avait là une place de guerre importante au XIV° siècle, puisqu'elle fut assiégée, prise et saccagée par le prince Noir en personne, en 1356, et une 2e fois,
toujours par les Anglais, en 1428, alors qu'ils faisaient le siège d'Orléans. Quoique dépendant de l'Orléanais, Millançay ne fit pas partie du domaine royal dès l'avènement de Louis XII au trône; en effet, les châtellenies de Romorantin et de Millançay, avec quelques autres de Sologne, furent, en outre du comté
d'Angoulème, l'apanage de Jean, deuxième fils de Charles d'Orléans, et elles ne furent réunies à la couronne qu'à l'avénement de François 1er, comte d'Angoulème. Cette petite ville fut donc siège royal, ressortissant au parlement de Paris, jusqu'à la réunion de son baillage à celui de Romorantin , au XVIIIème siècle; mais son nom figura toujours dans les actes qui portaient la mention: Bailliage de Romorantin et de Millançay.
   Tout ce qui vient d'être dit montre donc que ce chef-lieu d'une commune qui ne compte plus guère  aujourd'hui, en tout, qu'un millier d'habitants et en
renfermait encore moitié' en sus en 1771, a été assez important jadis. C'est la seule des localités que je  me propose d'étudier, dont se soient occupés quelques
historiens; le guide Joanne lui-mème la signale comme assise sur l'emplacement d'un camp romain, dont fait mention du reste aussi la carte d'Etat-Major.
   C'est qu'il y existe encore de vastes retranchements qui attirent forcément l'attention : aussi des auteurs, à l'époque de l'âge d'or des chercheurs d'étymologies, firent dériver son nom de Militia Cœsaris et dès lors avancèrent, bien entendu, 'que certainement César lui-même les fit établir.
  Depuis on s'est contenté de répéter qu'il y avait un camp romain; seul Piganiol de La Force, qui écrivait dans la 1ière moitié du XVIIIème siècle,'a eu quelques remords et, après avoir cité ces dires, ajouta qu'il n'y avait aucun motif pour attribuer cette forteresse à César.
   Caylus, un peu plus tard, a dit quelques mots de Millancé et, seul, nous a laissé un plan de son enceinte qui, bien qu'inexact, et n'étant guère qu'un croquis, nous, montre qu'il y a plus d'un siècle les lieux étaient à peu près, dans leur état actuel, sauf qu'on y voyait encore de nombreux restes du mur d'enceinte. D'après cet auteur, le château occupait le segment au sud de la route qui traversait déjà l'enceinte, et c'est en cet endroit que se trouve aujourd'hui le cimetière, qui serait donc moderne; il se contente de relater la tradition locale et l'opinion de quelques historiens qui font remonter l'origine de l'enceinte aux Romains, mais il pense que le château a du être bâti au moyen âge.
  On n'a jamais signalé d'objets gallo-romains trouvés dans cette enceinte, mais seulement une immense quantité de petits fers à cheval et une épée, avec des
monnaies relativement peu anciennes.Ce n'est pourtant pas les fouilles qui ont manqué, puisque lecimetière actuel est établi en un point des plus importants des remparts. Il parait aussi que la commune a vendu ce qui restait des vieilles murailles il y a une cinquantaine d'années et les matériaux ont été extraits, jusqu'au dernier morceau, des profondeurs du sol.
                   DESCRIPTION DE L'ENCEINTE APPELÉE LES CHATEAUX ou LE CAMP DE CESAR.
  C'est une vaste terrasse en partie artificielle, de 5 hectares environ de contenance, en forme d'ellipse ou de rectangle à angles arrondis, entourée de toutes
parts de larges fossés, qu'elle surmonte de 3 mètres à 5 mètres, et qui ont fourni les terres pour exhausser le sol et élever les puissants remparts. Ces fossés
peuvent occuper 3 hectares, avec des largeurs variant de 25 à 50 mètres (et même plus, au nord et au sud-ouest). Les talus du pourtour de l'enceinte sont raides et couronnés par des aggers de terre, plus ou moins bien conservés. Le long de toute la partie Est, sur environ un tiers du pourtour, ce rempart a une importance considérable et constitue un vaste épaulement, en forme de croissant, dont la crête, généralement, régulière, domine le fond du fossé de 12 à 13 mètres au maximum, et le terre-plein intérieur de 7 à 8 mètres. Au sud, ce 'parapet est interrompu, dans sa partie la plus élevée, par un ger col qui isole une motte.Des fouilles pratiquées récemment, dans le but de prendre des terres au vaste tertre, ont fait de profondes entailles au sud de sa masse. Sa corne sud a
été également coupée par la route de Millançay à Vernou et Bracieux ce qui a détaché le petit mamelon.
   Le rempart du surplus du périmètre est à faible relief, et parfois à peine indiqué: mais sur une grande longueur, il surplombe un chemin de ronde à mi-côte, qui a lui-même, d'ordinaire, un épaulement propre, formant comme une première défense. En divers points se voient des éminences, aujourd'hui fort aplaties, qui, sans doute, portaient jadis des ouvrages de défense. Enfin au centre, à une certaine distance du rempart, se voient les restes d'une butte plus considérable, qui semble une véritable motte. On peut croire, d'après quelques légers indices, encore visibles sur le sol, aujourd'hui cultivé et à peu près nivelé, qu'elle était isolée par une branche de fossé se soudant aux remparts une mare carrée doit être une portion de ce fossé qu'on a respectée, pour en faire un abreuvoir.
  La motte devait porter un ouvrage important, rasé sans doute avec les murailles du pourtour: mais on n'en a pas détruit tout l'intérêt, car elle cache dans ses flancs une construction, qui put ainsi échapper aux Vandales modernes. 
  La culture fit apparaître un jour un mur de briques pendant un hiver rigoureux; pour donner de l'ouvrage à des ouvriers, on leur fit opérer, des blais tout autour, et ce travail amena, la découverte d'une ouverture conduisant à un souterrain, qui fut aussitôt déblayé.
  La cavité est en voie de se recombler, mais j'ai encore pu non sans quelque peine, y pénétrer. Après avoir glissé sous deux baies cintrées en briques d'inégale hauteur par rapport au sol, je me suis trouvé dans un grand couloir central d'environ 2 mètres de large, voûté ,en plein cintre, sur lequel aboutissent, de chaque côté, deux loges ou caveaux, ce qui donne à l'ensemble la forme d'une croix d'archevêque. Les voûtes, eu berceau, sont égales et se pénètrent suivant des arêtes circulaires, au-dessus de chaque carrefour.
  Je n'ai pu mesurer la hauteur exacte de ce souterrain, car le sol est couvert d'une épaisse couche d'argile qu'ont entrainée les eaux, et qui masque le
plancher; il ne reste guère sous la clé qu'une élévation de 1m50.
  Entre les deux baies d'entrée, se trouve un petit vestibule débouchant au dehors par une hotte qui se retrécit comme une cheminée, pour aboutir sur la
plate-forme de la motte par une ouverture carrée d'environ  1 mètre, Ce regard permettait peut-être d'accéder de l'intérieur de la tour, aux constructions
souterraines, au moyen d'une échelle: on voit cette disposition dans beaucoup de cachots obscurs ou de magasins, ménagés dans la base massive des vieux
donjons. Mais ici les baies, qui sont de niveaux fort différents, indiquent qu'un escalier conduisait directement au dehors.Toute la maçonnerie, parfaitement 
conservée, est en briques très minces et très plates, ayant absolument la dimension et la forme légèrement courbe de nos tuiles ordinaires dont elles ne diffèrent que par l'absence du crochet.
  J'ai fait remarquer déjà  que les mottes de la haute féodalité, comme les terrasses ou rochers qui supportèrent plus tard les châteaux en maçonnerie, devaient ordinairement renfermer des souterrains et j'en ai cité de nombreux exemples, comme à la butte de Troô, à la Fontenelle, etc. Ici nous en avons une preuve de plus. Suite Histoire 3

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