Anecdotes

Extrait de" L"écho du merveilleux". Edition 1897-1914.

            Paris, le 10 février 1906.

                          MONSIEUR G. YERY.

   J'ai lu votre article de l'Echo du Merveilleux au sujet du château hanté de Villefranche-sur-Cher. A ce propos, permettez-moi de vous raconter un fait histoire ou légende qui, paraît-il, s'est passé à 10 kilomètres environ de Villefranche, dans la commune de Saint-Loup, vers le milieu du siècle dernier.
   Le propriétaire du château situé dans cette localité se livrait à la sorcellerie et à la magie. Un jour, pendant le déjeuner, le démon fit subitement apparition à
sa table et se mit à déjeuner avec lui. Le propriétaire, ainsi que les domestiques qui s'étaient aperçus de la présence anormale de ce personnage, étaient terrifiés.
   Voici un détail que les spectateurs ne manquèrent pas de remarquer : le diable avait des gants, mais un peu déchirés et on pouvait voir qu'il avait au bout des
doigts non pas des ongles* mais des griffes.Pour se débarrasser de cet importun, on alla chercher le curé du pays. Il somma Satan de déguerpir, mais celui-ci refusa et raconta au curé une petite histoire qui n'était pas à son honneur et ajouta qu'à cause de cela il n'avait aucun pouvoir sur lui. Le curé de Saint-Loup, tout penaud, se retira.
   On envoya chercher celui de Mennetou-sur-Cher, le chef-lieu de canton qui est à 3 kilomètres. Lui était un saint homme, il dit au démon de se retirer,
ce qu'il fit, mais à l'instant même les personnes présentes crurent bien que le château allait tomber sur eux. On eût dit une véritable tempête. Les portes, les
fenêtres, les meubles, la vaisselle faisaient, c'est le cas de le dire, un bruit infernal.
   Le propriétaire du château n'a pas été guéri pour cela ;il continua ses détestables pratiques de sorcellerie et mourut fou peu de temps après, je crois.
   Ceci n'est qu'un résumé, je pourrais avoir des tails plus étendus, par exemple l'époque exacte cela se serait produit. Il y a encore des personnes dans la
région qui ont connu le sorcier.
   Si cette lettre n'était pas déjà trop longue, je pourrais vous parler d'un fantôme qui parcourait la nuit les régions ci-dessus et que l'on nommait la « birette ».
La birette franchissait d'un bond le canal du Berry, comme un simple fossé, elle allait dans une course folle, de village en village, de ferme en ferme, elle
était annoncée par les aboiements des chiens qui d'ailleurs n'osaient pas en approcher malgré les excitations de leurs maîtres, et cela pendant des années. Je tiens ceci de témoins oculaires très sérieux.
   Il y eut encore d'autres faits aussi étranges et bien réels, paraît-il, de quoi faire un volume. Si cela vous intéressait, je pourrais, lorsque j'irai dans le pays, vous fournir quelques notes à ce sujet.
            Recevez, monsieur, mes salutations les plus empressées.

                     J. LAMY.
                10, rue Lamarck.

  Les faits que relate notre aimable correspondant paraissent bien fantastiques. En passant de bouche en bouche, avant d'arriver jusqu'à lui, le récit qu'il
nous envoie ne se serait-il pas teinté des couleurs de l'imagination des différents narrateurs ?
  Il serait intéressant, en tout cas, de dégager la réalité de la légende, et M. Lamy mettrait le comble à son obligeance s'il nous aidait à retrouver les person-
nes qui ont connu le sorcier.

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